takaginobuyoshi
Texte
Il fallait l’anecdote, aussi dérisoire soit-elle, pour transcender notre quotidien, ébranlant au passage nos certitudes de modernes. Quelque part au Japon un coup de vent soulevait une mèche de cheveux sur le crâne d’un inconnu ; adressant au photographe un signe sibyllin et impénétrable. Vaguement un « V ». (Comme Victoire). Nobuyoshi Takagi est obsédé par ces détails fortuits. Muni d’un appareil photographique, il en rapporte les occurrences dans la vie de tous les jours. Ce sont des découvertes à mi-chemin entre l’illumination et la blague. Réunies dans des séries, elles exacerbent les analogies formelles quand, au sein d’un même corpus, des liens apparaissent et des images se télescopent. Un cosmos, en somme. Qu’il s’agisse du motif laissé sur le dos d’une femme suite à une exposition imprudente au soleil, ou de celui dessiné sur le toit d’une voiture par le givre, ils constituent autant de témoignages de l’influence des éléments et du temps. L’artiste, avec un esprit d’amateurisme scientifique, poursuit ses observations dans des expériences teintées de poésie, à l’issue desquelles les objets les plus modiques basculent, d’une façon ou d’une autre, dans le registre du sacré. Ainsi les marques d’un simple phénomène d’évaporation sur un verre produisent des vues hallucinées de la stratosphère. Dans une installation récente intitulée Le feu, le temps qui passe, c’est la calcination de planches de sapin selon une technique traditionnelle japonaise qui donne au matériau sa pérennité ; ouvrant sur une autre temporalité – plus vaste. Le renversement de perspectives a bien lieu. Nobuyoshi Takagi ravive l’héritage du shintoïsme (son rapport au temps et à la nature) quand il traque les potentielles résurgences de cette cosmogonie dans la vie de tous les jours.
Antoine Camenen, septembre 2019.
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