L'Etranger
Carnet de route
Avignon 2013
En tant que musicien, jouer 25 fois la pièce nous a imprégné du texte, de l'ambiance de l'adaptation d'Olivier Malrieu, des intentions, inflexions, du rythme de Pierre-Jean Peters. Nous avions une connaissance " littéraire " de l’oeuvre, mais après cette étape, nous avions celle de la matière, de l'expérience du jeu, du combat, du plateau. Celle des sons. Une compréhension du rythme de l'adaptation.
Au départ de notre travail, la musique était principalement construite sur des canevas et des séquences improvisées. Les séquences étaient déjà très découpées. L'orchestration était alors acoustique, percussions, guitare et contrebasse.
Le texte porté par l'acteur est une voix musicale parmi les autres. La pensée n’est plus en termes de mots, de sens, mais de sons. Et dans les voix de tous les personnages incarnés, il y a autant de timbres à exploiter. Le son de nos voix, le son
du groupe...
Notre objectif commun était bien dans l’interprétation
des mots de Camus. Et nous avions tous
conscience d’en n’être qu’aux prémisses...
Décembre 2013
Pierre-Jean souhaite quitter les modèles balisés, il veux être poussé dans d'autres retranchements, mettre le texte autrement.
De là naît cette volonté de se retrouver encore plus confronté à la musique, à la manière et à l'énergie des musiciens, pour lui donner une forme plus "concert", en faire un "vrai" quartet - presque au sens "Coltranien" du terme -, un leader (comme un
chanteur) et un trio qui (le) pousse, qui pose les climats. Puis pouvoir changer d'instrument, comme Pierre-Jean change de personnages. Sur la route nous évoquons Bashung, Gainsbourg, Ferré et certaines formes du 20ème siècle (Opéra,
théâtre musical, etc). C’est à partir de là que l'emprise de Camus s'est éloignée, que nous avons perdu la timidité d'affronter ce poids, cette masse littéraire, et que son fantôme est devenu central, que sa présence s'est incarnée.
Il nous fallait s'affranchir de l'origine du projet pour y revenir et le servir au mieux...
Avril / mai 2014
Le projet L’Étranger / Réminiscences est sélectionné pour les résidences du Collectif JazzLR.
Guillaume prend en charge la direction musicale ainsi que l’écriture de nouvelles pièces. L’orchestre se dédouble : Adrien joue le violoncelle et la guitare, Guillaume, la contrebasse et
la basse électrique.
Nous passons de l’acoustique à l’électrique, combinons les timbres et les intensités, varions les climats par l’emploi de certains effets. Nous utilisons tous ces possibles pour coller à la multiplicité des voix. Durant trois jours le trio déchiffre les compositions, les travaille et les joue comme des pièces seulement musicales. Guillaume n’a rien dit quant à leurs places dans le spectacle, il s’avère que chacun les définit aux exacts moments prévus.
Camus semblait planer au-dessus de toutes nos influences
musicales...
Situation complémentaire à celle de l’acteur, pont entre deux univers... La musique devient une voix autonome, qui comme le récit, trace un chemin, une voie. Elle propose à l’acteur de donner le texte de manière plus vibrante, plus intense. Elle accentue le climat de tension tel que l’on peut le trouver au cinéma, car il y a bien un point de vue cinématographique de type policier dans cette adaptation de l’Étranger.
La forme prend donc un tout autre sens, Albert était là dans son passé, confronté à des styles et des genres musicaux extérieurs à son époque, nouvelle expérience du passé dans le présent. Le présent dans la voix du texte, dans le présent de celui qui joue ; le passé de Camus et de ceux qui lui en rendent compte aujourd’hui.
Mai 2014
au théâtre de Vergèze (Résidence #1 Jazz LR avec le soutien de Jazz à Junas), Pierre Vandewaeter rejoint l’équipe pour la mise en espace du son, la diffusion, l’équilibre et la présence de la voix face à un orchestre qui joue sur le rapport acoustique / amplifié. Les sons soulignent, suggèrent, rappellent des moments, des sentiments propres à l’auteur. Mais surtout, comme Albert Camus - écrivain, penseur, homme engagé - ces sonorités musicales vont, tout au long du spectacle, déployer leur(s) identité(s) propre(s), leur(s) singulière(s) revendication(s)
pour entrer en résonance avec les mots, avec les non-dits, avec les gestes de Camus / Meursault / Pierre-Jean Peters.
Nous apprenons que le IN du Festival d’Avignon (Olivier Py) a sélectionné L’Étranger / Réminiscences dans ses préférences. La pièce dans sa forme concert est jouée à l’AJMI durant Têtes de Jazz 2014.
Octobre - décembre 2014
Éric Bellevegue rejoint l’équipe pour les représentations au théâtre de Vaugarni. La création lumière se fait sur la route, au fil des spectacles...
Nous apprenons à créer l’espace plateau au fur et à mesure, dans l’urgence, durant les balances. La scénographie se dessine de nos expériences, elle est le résultat visible de l’endroit où nous en sommes. Une autre trace en perpétuelle évolution.
En décembre (Résidence #2 Jazz LR, avec le soutien de Jazzèbre), les lumières deviennent une part importante du spectacle jusqu’à devenir une voix supplémentaire. Elles découpent l’espace, fixent et orientent le regard et proposent de rendre palpable les différents lieux, les multiples situations.
Tout en imposant le mouvement, la lumière incarne le temps et décortique les espaces de jeu pour Pierre-Jean Peters.
L’Étranger - Réminiscences parvient - à ce stade - à questionner le temps. Celui du présent du spectacle, celui de l’écrivain, celui des personnages, celui du lecteur, celui du spectateur. Un temps en contre jour.
Mars 2015 - et suite
Les trois jours de représentations dans la petite salle du Théâtre Molière (Scène nationale de Sète) nous imposent de revisiter le projet. Des contraintes techniques ne nous permettent pas
de jouer la pièce en l’état.
Pierre-Jean et Guillaume profitent de l’occasion pour requestionner les imaginaires. L’Étranger - Réminiscences s’ouvre à d’autres textes d’Albert Camus.
Nous examinons la périphérie. Les lignes bougent. Nouveaux textes, nouvelles musiques. Guillaume fabrique des blocs de texte / musique pour chaque soir. La journée l’équipe met en forme ces propositions afin que tous les soirs un nouveau spectacle soit donné, afin que chaque spectateur ait la sensation de participer à un « tout» dont il ne voit qu’un fragment.
Cette expérience donnera lieu à un Opus #2.
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